Thierry Hue
Des nouvelles de mon étoile...
Poésies
DEUX ÂMES AU COIN DU FEU
La nuit tombe imprévue
La petite maison s’éclaire
Le froid annonce l’hiver
La lampe vacille, déçue
Un peu recroquevillés
Les pensionnaires résignés
Se groupent devant la télé
Les nouvelles ne sont pas très bonnes
Un bateau s’est échoué
Au large de Quimperlé
Puis retentit le téléphone
Un petit moment de bonheur
Coup d’air venant de l’extérieur
Dans cette ambiance calfeutrée:
Les enfants sont bien arrivés
On fait tenir le plus longtemps
La conversation qui détend
On vient à peine de se quitter
Mais il faut tout se raconter
La soupe qui les rabiboche
On sort à peine les mains des poches
J’ai oublié mon comprimé
Il est trop dur à avaler
Le feu de bois enfin éclaire
On éteint d’un coup la lumière
Puis l’on s’acagnardit
Un peu avant d’aller au lit
Mamy dort dans sa chaise-longue
Pendant que la télé s’élance
Et papy médite en silence
Sur sa mémoire qui vagabonde
Dehors, l’hiver vient à grands pas
On s’en moque, on ne le sait pas .
NUIT QUI NUIT
La nuit tombe
Nuit qui nuit
La pluie en trombes
Trompe l’ennui
Le matin
Peau de chagrin
Va se lever
Tout attardé
Grasse matinée du réveil
Le jour se lève et je m’éveille
Encore engourdi de sommeil
Il fait froid c’est encore l’hiver
Ne sois pas pressé de vieillir
Le printemps va bientôt fleurir.
NATURISME
L’autre jour une amie pas triste
M’a amené me promener
Dans un camp de naturistes
Il a fallu se dessaper
Bon, c’est vrai je vous l’accorde
Y’a pas que mon cœur qui déborde
Et c’est difficile à présent
De cacher ses sentiments
L’ambiance bon enfant
Qui règne dans ce lieu doré
Fait naturellement oublier
Qu’on est en tenue d’Adam
Là , on voit qu’on est tous les mêmes
Jeunes ou vieux, petits ou gros
Tout ça pour vous dire quand même
que je suis supérieurement beau.
HOMMAGE A QUENEAU
Dans la rue des Quenottes
Un Queneau est passé
Où vas-tu donc mon frère,
Mon frère à repasser?
Tu prends un mauvais pli
Viens un peu par ici !
Dans la rue des Quenottes
Un Queneau est passé
Why not ?
VINCENT MILBALLE
Laisse ton blé
Lèche ton blé
Cent mille balles
Kesskessé
J’ai vu ça l’autre jour
A la télé
Un gros blaireau
En hélico
Y disait : faut pas chipoter
Avec cent mille balles
Gros coincé
Tu fais vivre
Vingt mille Sénégalais
C’est mes galets
Alors lâche ton blé
Et casse-toi
Et case-toi
Dans ton hélico
Gros blaireau
CASTOR
Toi qui bâtis ta maison de tes mains
Tu connais le prix des parpaings
Et celui des gouttes de sueur
Qui coulent sur ton front, des heures
Tu ne regrettes pas ton temps
Tu es bien trop fier à présent
De ton jardin qui reverdit
Et de ton antre qui grandit
Propriétaire terrien
Propriétaire, t’es rien
Les termites et les impôts
Aies le moral, n’y pense pas trop
Devant l’ampleur de la tâche
Investis-toi sans relâche.
DÉSERT SUPÉRIEUR
Un âne au Mali
Une anomalie
Traduction simultanée
Tradition: six mules tannées
Et ce fichu dromadaire
Qui te regarde avec des airs!
Au loin passent des mirages
Pendant que tes amis ragent
Toute l’eau qui est puisée
Et toi mon pauvre, épuisé!
Vous qui tirez l’eau à six
Pendant qu’elle coule en l’oasis
Rêvez au prochain orage
Et ne pensez pas au cirage .
MENDIANT
Est-ce que tu peux refuser
Un bout de pain à un mendiant ?
Est-ce que tu peux refuser
Un sourire à un enfant ?
Est-ce que tu peux refuser
Un peu d’eau dans le désert ?
Est-ce que tu peux refuser
Un coup de main à ton frère ?
Est-ce que tu peux me refuser
Un peu d’amour ?
Moi qui en ai tant besoin
Moi qui mange dans ta main.
COMPLAINTE DU TRISTEMENT CÉLÈBRE PAUL HUSSION
La Terre a bien du mérite
A tout digérer
Les déchets, les rejets en fuite
Sont bien mal gérés.
Si la triste bombe atomique
N’a pas encore déclenché
Ses tristes effets sadiques
C’est pas faute d’avoir essayé.
Je dégaze et je me tire
Inconnu au fond des mers
Du moment que je m’en tire
Qu’importe si j’laisse un goût amer.
Destruction et pollution
Les deux mamelles du profiteur
Qui veut se faire du pognon
Sur votre dos, faire son beurre.
Les générations futures
N’avaient qu’à naître plus tôt !
Elles auraient connu la nature
Et un paysage plus beau !
Préparez vos masques à gaz
Si vous voulez respirer
Moi personnellement ça gaze
J’ai pas fini d’empocher.
PASSE !
M’as-tu déjà dit qu’un jour tu viendrais
Me voir à l’improviste et que j’en serai
Tout désorienté, retourné mon cœur
Tout comme une crêpe à la chandeleur.
Ris donc, tu n’as pas fini de te moquer de moi
Je déplore ton absence mais j’ai toujours la foi
Si le temps qui passe joue en ma faveur
Rien que ton absence, je tremble de peur.
N’as-tu pas fini de te jouer de moi
Un grand coup d’espoir, un de désarroi
Car ton souvenir est toujours vivace
J’attends impatient qu’un beau jour tu passes.
PRAHA
Je rêve de voir le pont Charles
Soudain envahi par la neige
Et succomber sous le charme
Je vous l’ai déjà dit :j’en rêve.
Parcourir sans arrêt ses arches
Et devant ses statues figées
Continuer sans cesse la marche
Et puis le retraverser.
Il n’est d’endroit plus romantique
Plus audacieux plus fantastique
Même Venise et ses canaux
A côté de lui c’est zéro.
A TES PIEDS
Je voudrais passer mes journées
A tes pieds
Je m’mêle de c’qui n’me r’garde pas
C’est comme ça
Si j’étends mes prérogatives
Hâtives
C’est que le temps joue contre moi
Parfois
Je suis un quêteur insoumis
C’est la vie
Et je m’accroche au moindre espoir
Pour la gloire
J’espère arriver à mes fins
A la fin
Et retrouver où ton corps niche
Oui , chiche !
ENTRE CHIENNE ET VENT
Entre chienne et elle
Mon cœur endurci
Attend dans la nuit
Le bout du tunnel.
Entre chienne et pluie
Au bruit des bourrasques
Mon cœur qui s’ennuie
A refait des frasques.
Entre chienne et vent
Mon cœur endormi
Attend patiemment
Le bout de la nuit.
DOUCHE FROIDE
Mains dans les poches et triste mine
Seul sur la route je chemine
Mes pieds qui sautent dans les flaques
Et le vent qui me met des claques.
Mais voilà au loin une auto
Aucun doute : c’est elle au volant
Et soudain me voilà content
Elle va s’arrêter bientôt.
Et me parler et me sourire
Mais elle regarde droit devant
Ses essuie-glaces ballottant
Elle ne m’a pas vu et pire
Elle passe dans une flaque
M’éclabousse de la tête aux pieds
Je la regarde s’éloigner
Sans seulement qu’elle me remarque.
Des poches j’ai sorti les mains
Je continue seul mon chemin.
PARIA
Je suis sur un terre-plein
Un peu plus bas, dans la vallée
La fête bat encore son plein
Je ne suis pas invité.
Je vois des couples qui s’enlacent
Je les rejoins par la pensée
Et d’un regard je les embrasse
Je ne suis pas invité.
Les lumières s’illuminent
Et la musique de résonner
Leurs corps aux rythmes s’inclinent
Je ne suis pas invité.
Je préfère tourner le dos
Et bien mes oreilles boucher
J’ai encore le cœur un peu gros
De n’être pas leur invité.
CACHETS
Pendant que des enfants rayés
Mines tristes et chaînes aux pieds
Arpentent des terres à cailloux
Avec des airs de voyous
Les matons mordants vocifèrent
En leur bottant le derrière
Pour leur apprendre à répondre
Pour leur apprendre à se répandre.
Ca se passe en Amérique
Ce grand bastion démocratique
Où pour se faire plébisciter
Il faut la mort des condamnés
Innocents ? Peu importe !
Là encore le noir prédomine
La geôle refermera sa porte
S’ils n’ont pas couleur d’aspirine.
SIX TRONCS
Pareil à Sisyphe
Poussant son rocher
J’ai planté six ifs
Pour pas oublier.
Je les ai plantés
Près du marronnier
Et plantés si près
Qu’ils n’ont pas poussé.
Leurs six troncs pressés
M’ont fait de la peine
J’ai compris! Le coup d’après
Je planterai six troènes
RUE DES AUBÉPINES
Tu arpentes le trottoir
Tu n’as pourtant pas l’air pressée
Mais je connais ton histoire
Car on me l’a racontée.
Trop maquillée et tête blonde
Tu ne fais pas ce que tu voulais
Mais le plus vieux métier du monde
Te nourrit et tu le sais.
Une supposition, si j’ose
Si l’on t’avait laissé le choix
Tu aurais fait autre chose
Mais c’est pas toi qui fait la loi.
Aux paumés tu rends service
Ils n’en sont pas reconnaissants
Et t’imposent tous leurs vices
Et les risques que tu prends.
Tu es une sainte laïque
Tu as le sens du sacrifice
Parfois tu prends des coups de trique
Et n’en tire pas bénéfice.
Si un jour tu peux t’échapper
De ces recoins peu sublimes
Alors cesse d’arpenter
Cette rue des Aubépines.
…
© Thierry Hue & Éditions du Paradis
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